LE MADIRAN vu par l'Express (article public sur http://www.lexpress.fr/mag/saveurs/dossier/vin/dossier.asp?ida=401969)
L'Express du 04/09/2003 Le madiran est une affaire de clan. Voyez les Laplace, heureux propriétaires des vignobles qui portent leur nom, dans le petit village d'Aydie. Le père, Pierre, béret noir vissé sur la tête, accueille le visiteur; Jean-Luc, le fils aîné, couve le chai; François, le puîné, s'occupe de la gestion commerciale; Bernard, le cadet, dorlote la vigne; quant à Marie, la benjamine, elle veille sur l'embouteillage et l'expédition. Liens du sang ou pas, on a le sens de la tribu en terre de madiran. 1 385 hectares de vignoble qui chevauchent trois départements C'est Jean-Luc Laplace qui le dit, en embrassant du regard les douces collines quadrillées de vignes et de champs de maïs ébouriffés par le vent venu de l'Atlantique: «Ici, on est une famille. On se voit, on se parle, on travaille ensemble. Et on veut avancer côte à côte, vignerons indépendants et coopérateurs.» Christine Dupuy, qui règne depuis 1993 sur le Domaine Labranche-Laffont, confirme: «A la mort de mon père, lorsque j'ai repris l'exploitation, tout le monde m'a soutenue... alors que les hectares sont très convoités!» Ce n'est pas son voisin, le jovial Pierre Speyer, qui dira le contraire. Ce Belge un brin déjanté, propriétaire d'une société de location de matériel cinématographique à Paris, a acheté voilà neuf ans les 4 hectares du Domaine Laffont. «Je n'y connaissais rien, avoue-t-il. J'ai tout appris ici.» Un «fou de vin» - dixit Jean-Luc Laplace, un expert - qui voue les désherbants aux gémonies et ne jure que par la vendange à la main et en cagette. Moyennant quoi, ses cuvées aux noms de déesses grecques s'arrachent comme des petits pains. Cette solidarité enracinée dans l'argile et le grepp madiranais s'explique peut-être par la force de la géographie: les 1 385 hectares du vignoble chevauchent trois départements (Gers, Pyrénées-Atlantiques et Hautes-Pyrénées), deux régions administratives (Aquitaine et Midi-Pyrénées), deux cultures, la gasconne et la béarnaise, et quatre vallées qui courent du nord au sud. Par la force de l'histoire, aussi. «C'est qu'on vient de loin», lâche Didier Barré, maître du Domaine Berthoumieu. Au commencement était le tannat, cépage made in val d'Adour. Un fichu caractère, ce tannat. Un coriace, qui ne craint pas les trombes d'eau, ni la sécheresse. Généreux en jus et en alcool, riche en couleur et en tanins, comme son nom l'indique. Un cépage pas commode à dompter, souvent dur et agressif, parfois vert et astringent s'il manque de maturité. Les vignerons l'ont d'abord marié aux cabernet-sauvignon et cabernet franc, histoire de l'assagir. Puis, dans le sillage d'Alain Brumont, très médiatique patron des Châteaux Montus et Bouscassé, une nouvelle génération, initiée aux mystères de l'oenologie, s'est employée à apprivoiser le tannat. Ils y sont parvenus à force de patience et de travail, grâce à une vinification mieux adaptée et, notamment, à des cuvaisons plus longues. Pas question de s'arrêter en si bon chemin. Depuis quelques années, une vingtaine d'exploitants ont fondé une société d'intérêt collectif agricole et recruté un technicien en viticulture. Pour tester, comparer, innover. Pour progresser encore. Ensemble. Fruits de ces efforts, les meilleures cuvées de madiran flirtent désormais avec les 100% tannat. Des nectars puissants, aux arômes de fruits mûrs, d'épices et de pain grillé, qui ne se prennent pas au sérieux pour autant. «Ils se révèlent pleinement avec les mets du Sud-Ouest, comme le magret, le confit et le cassoulet, mais aussi avec les civets et les gibiers, souligne Jean-Luc Laplace. Le madiran est un vin de table. Au sens le plus noble du terme.»
La
sélection de l'EXPRESS Château d'Aydie
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